Itinéraire d’une école sortie de la terre

Rencontre avec les « artisans » du projet « papillon »

En 2022, archi5 participe au concours portant sur la conception et la réalisation du groupe scolaire de la Fosse Rouge, à Sucy-en-Brie. Dès les premières esquisses, l’agence choisit de faire un pas de côté vis-à-vis du programme pour proposer une école intégrée à la nature, respectueuse de l’existant. Pari gagné : l’agence est lauréate à l’unanimité.
Viktoria, Lucie et Jessica nous dévoilent les coulisses d’un projet hors standard.

Première rentrée des élèves en septembre 2024
Photographie Victor Panlou

 

« Quand je suis dans le hall, ou au 1er étage, avec ces courbes et murs-rideaux traversants, je ressens comme des papillons dans le ventre, ça marche », confie Viktoria. 

Le programme bénéficie d’un emplacement d’exception à la rencontre de deux entités paysagères, entre un rebord de plateau sur un vallon au nord (matérialisé par le parc départemental du Morbras) et la forêt domaniale de Notre-Dame au sud. 

 « Notre intention architecturale et paysagère a été de faire entrer la nature dans l’école, et même à l’intérieur de la ville, comme si le bâtiment était une porte d’entrée vers le parc », souligne Viktoria. 

 L’ensemble du projet porte cette intention. Le bâtiment est sobre. Il repose sur un jeu de courbes organiques et de strates minérales qui épousent le relief du parc. « Comme un terrain naturel sur lequel on moule la terre pour en faire un groupe scolaire », précise Viktoria. La structure constitue la peau du bâtiment, en béton bas carbone teinté dans la masse d’après la couleur de la terre, comme si le sol devenait façade. L’ensemble est matricé, un procédé complexe. La moindre erreur et tout est à recommencer. 

Le programme impose l’accessibilité de toutes les zones depuis le parvis mais l’agence fait le pari d’installer la livraison-cuisine au nord de la parcelle. Le parvis ainsi dégagé de tout véhicule garantit la sécurité et le confort des enfants. Tout le reste en découle. L’équipe opte pour une forme tripode qui évoque l’envol d’un papillon, permettant de faire tenir le projet dans la petite parcelle triangulaire, de séparer les différents pôles, d’offrir des vues dégagées sur le parc et de limiter la hauteur du bâtiment vis-à-vis des mitoyens.  

Deux grandes courbes des écoles maternelle et élémentaire embrassent le parc. Leurs cours déclinent les végétaux présents en lisière, en forêt et dans les clairières à travers différents motifs paysagers. Travaillées comme des lisières habitées, ces cours oasis et les toitures végétalisées favorisent l’installation de la biodiversité et portent la promesse du projet. L’équipe réalise un important travail autour de l’éveil des sens : passerelles comme des observatoires, jardins pédagogiques ou encore copeaux de bois au sol. « C’est un projet à la fois exemplaire et expérimental », résume Jessica.  

La nature est présente jusque dans la signalétique. « Au départ, j’avais imaginé des duos de couleurs vives pour chaque entité du programme, mais j’ai évolué vers des tons plus naturels pour créer une harmonie entre la signalétique et le projet architectural. Cette approche plus subtile peut également toucher les enfants », souligne Lucie. Pour la vitrophanie, elle réalise des illustrations inspirées des végétaux remarquables des strates paysagères conçues par Jessica. « Les fleurs grimpent sur les portes et les vitres comme si la nature reprenait ses droits. Elles apportent de la douceur au bâtiment », conclut-elle. 

« Conforme à la RE2020, le projet s’inscrit également dans la démarche EMC2B », précise Viktoria. L’agence s’oriente vers des matériaux biosourcés, notamment le bois : charpente et menuiseries en bois, faux-plafonds en fibre de bois et halls en contre-plaqué bois. Le projet fait également la part belle au low-tech avec un système de ventilation naturelle expérimenté sur le chantier de la Cité des Sciences et de la Nature Lavoisier, à La Rochelle.  

Viktoria Thierry-Mieg, architecte HMONP :
Viktoria est architecte HMONP diplômée de l’ENSA Paris-La Villette. Elle tire de son enfance à l’étranger (Autriche, Vietnam, Inde, Chine) et ses réguliers voyages aux quatre coins du monde une source inépuisable d’inspiration. Pour dessiner le projet « papillon » de Sucy-en-Brie, Viktoria s’inspire des courbes libres d’Oscar Niemeyer dont elle approfondit le travail lors de son année d’études à la FAU-USP (São Paul) au Brésil.  Elle rejoint archi5 en septembre 2017. 

Lucie Coupin, graphisme et signalétique :
Lucie s’intéresse très tôt à l’art. Après un bac en arts appliqués, elle s’oriente vers le design graphique. À Amiens, elle effectue un BTS Design Graphique à la Cité Scolaire (lycée Édouard Branly) et un DNA à l’ESAD, puis s’installe à Paris pour suivre un mastère Directeur de création en design graphique au Campus Fonderie de l’Image (Bagnolet). Recherchant l’accord parfait entre ses deux centres d’intérêt, graphisme et architecture, Lucie rejoint archi5 en janvier 2022, initialement dans le cadre de son alternance. Elle intervient de façon transversale sur tous les projets de l’agence.  

 

Jessica Loison, paysagiste :
Jessica est diplômée des ateliers de l’ENSAP Bordeaux. « Être paysagiste requiert un savoir minutieux en matière de biologie végétale et d’adaptation dans le comportement des plantes, un sens aiguisé de l’observation et de l’interprétation. Nous sommes un peu comme des « geeks de la nature » », souligne-t-elle. Mais pas seulement. Jessica s’intéresse à la mise en récit d’un paysage, à sa dimension symbolique et son utilité sociale. Un paysage doit susciter l’imaginaire, et nous étonner sur notre rapport au monde. 

Lien vers le projet